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Malika Embarek : « C’est à cause de la diglossie que les écrivains maghrébins francophones continuent à écrire en français »


Malika Embarek, Prix National de Traduction (2017) et Prix International de Traduction Gerardo de Cremona (2015), a répondu aux questions de Madrigalia dans le cadre des conférences professionnelles du Master en Langue Française Appliquée (Université Complutense de Madrid-Sobonne Université).

Quelle est votre motivation pour continuer à exercer un métier si complexe comme la traduction après tant d'années ?

Comme on sait, c'est un privilège de travailler dans ce que l'on aime. Cela veut dire que j'aime la lecture et la littérature. J'aime traduire les auteurs du sud de la Méditerranée. J'aime qu'ils soient connus et que le lecteurs en jouissent autant que j'ai joui de les traduire. Je pense que je ne me lasserai jamais de ce métier.

Que vous apporte la traduction littéraire que vous ne trouvez pas dans la traduction technique ou la traduction de documents officiels ?

Je pense que la réponse à cette question est implicite dans la précédente. J'ai toujours aimé lire. Mon oncle de la part de la mère m'appelait « Doña Emilia Pardo Bazán » … Je ne sais pas si c'est une légende, comme tant d'autres qui se créent dans les familles, mais on me racontait que j'avais appris à lire toute seule. J'imagine qu'ils m'ont appris tout de même... Mon enfance et mon adolescence ont été marquées par la lecture de Les aventures de Célia, d'Elena Fortún, Les Quatre Filles du Docteur March, Le Rêve de Jo March, L'île au trésor, Les milles et une nuits dans les livres pour enfants, David Copperfield, Oliver Twist, Vingt Mille Lieus sous les Mers... Juste pour commencer. Il faut être un grand lecteur pour traduire. Si vous aimez la lecture et la littérature, la traduction littéraire est comme un écho de celles-ci.

C'est vrai que je m'efforce également pour rendre des traductions techniques et assermentées de qualité par respect pour mes clients. L'essentiel est qu'ils atteignent leur but : indiquer où quelqu'un est né, s'il est célibataire, comment est réparti un héritage, les qualifications qu'il a obtenues, ou les références techniques d'un project, les CV d'experts, etc. Ces informations n'impliquent pas de défis. Il n'est pas nécessaire de jouer avec le style, de trouver des synonymes pour éviter la cacophonie ou les rimes involontaires, les répétitions. Il n'est pas non plus nécessaire de lire le texte à haute voix pour voir comment il sonne... ou pour toucher les lecteurs de votre traduction comme l'ont fait les lecteurs de l'original.

Comment choisissez-vous les œuvres ou les auteur/auteures que vous voulez traduire ?

Ce sont les éditeurs qui me proposent les ouvrages la plupart du temps. Quand je leur ai fait une proposition, c'est parce que j'ai aimé le livre et j'ai pensé qu'il pourrait plaire également aux lecteurs. La réponse n'est pas toujours positive, mais il ne faut pas se décourager ; il faut continuer à proposer.

Parmi les 70 ouvrages que vous avez traduits, lequel a été le plus difficile et pourquoi ?

Pour moi, la difficulté réside surtout au niveau du rythme, car le lextique et la syntaxe ont toujours une solution. Je pense que le travail le plus difficile et, en même temps, le plus gratifiant, a été précisément celui dont nous avons traité lors de l'atelier du 13 mars dans le cadre du Master hispanofrançais en Langue Française Appliquée, organisée par l'Université Complutense de Madrid : Mille ans, un jour d'Edmond Amran El Maleh (1917-2010).

Comme nous l'avons vu, El Maleh a un style très particulier. Son récit a une tendance à reproduire l'oralité, en insérant des mots, voire des phrases entières transcrites en dariya, l'arabe marocain. Il fournit bien évidemment le contexte pour le lecteur ne soit pas désorienté. L'une de ses principales caractéristiques est la ponctuation non normative. Il a été difficile de reproduire cette « non-ponctuation » afin de rendre le texte compréhensible.

Pendant l'atelier, vous avez expliqué que vous n'aviez pas pu appliquer votre stratégie de traduction pendant la traduction du roman Mille ans, un jour d'Edmond Amran El Maleh. En quoi consiste cela exactement ?

Cette question, vous me l'avez offerte sur un plateau parce que j'adore parler de cette stratégie. J'ai même parfois l'impression d'être une plaie... Comme je l'ai dit dans l'atelier, c'est à cause de la diglossie que les écrivains maghrébins francophones continuent à écrire en français, même si leurs pays sont indépedants du colonialisme français. Il y a une langue prestigieuse là-bas, l'arabe classique, qui n'a pas de registre oral et qui coexiste avec les langues maternelles dérivées de l'arabe, qui n'ont pas de registre écrit. Comme il n'y a pas de volonté de la part de l'État de normaliser, de standardiser ou d'enseigner ces langues vernaculaires à l'école, à priori pour ne pas porter atteinte au caractère sacré du Coran, écrit en arabe classique, et à l'unité du monde arabe, la langue maternelle, le dariya, n'est pas écrit. C'est pourquoi certains auteurs privilégient le français.

Lors de la traduction de ces textes, il est parfois possible de remplacer les références culturelles arabes et islamiques de l'auteur maghrébin francophone par des arabismes. Le traducteur vers l'espagnol, contrairement à l'auteur francophone, a recours au trésor des arabismes disponibles en langue espagnole, hérités de la longue coexistence hispano-arabe en Al-Andalus : youyou/albórbolas ; fiancée/alaroza, etc. C'est une façon d'offir l'hospitalité à l'auteur du texte traduit, de le faire se sentir « chez lui » et de rendre sa langue maternelle légitime dans la traduction. C'est une stratégie un peu recherchée, puisqu'il s'agit souvent de raviver des archaïsmes, et c'est aussi une sorte de jeu, d'un signe du fait qu'il puisse y avoir quatre ou cinq arabismes insérés dans la traduction d'un roman.

La raison pour laquelle j'ai dit que je ne pouvais pas appliquer stratégie aux textes d'El Maleh est justement que son intention, en translittérant des mots, voire des phrases entières en dariya, est d'occuper la langue française de la même manière que le colonialisme a occupé le Maroc. Faire resonner la voix de l'auteur, c'est-à-dire de faire, en quelque sorte, qu'il se sent « chez lui » en langue française désactivait la stratégie de l'auteur. Avec un critère totalement arbitraire et guidé par la beauté des mots, les seules exceptions que j'ai faites ont été skhina, adafina et youyou, albórbola en espagnol, qui, selon le Diccionario de la Lengua Española, viennent de l'arabe espagnol. Morale de l'histoire : il est imposible de rester cohérent en traduction...

En plus d'être traductrice, vous donnez des cours et des ateliers de traduction. Qu'est-ce qui vous attire le plus dans l'enseignement ?

J'apprends beaucoup avec les conférences et les ateliers de traduction, car il s'agit justement de cela: d'enseigner, de partager et d'apprendre. Préparer ces conférences et ces ateliers me permet de réfléchir à mon travail, et les réactions des étudiants, ainsi qu'une leçon d'humilité, sont extrêmement enrichissantes.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un(e) qui vient de commencer à traduire ou à enseigner ?

Comme j'ai déjà dit, il faut lire de la bonne littérature en français et en espagnol. Il faut également avoir un crayon à portée de main pour souligner les mots, les expressions que l'on découvre parce qu'ils ne sont pas naturellement intégrés.

Il est très difficile de convaincre un éditeur de publier la première traduction, mais il ne faut pas perdre l'espoir et l'illusion. Il faut se documenter sur l'Internet, voir quels sont les livres qui ne sont pas encore traduits et traduire quelques pages de ceux que l'on aime, faire un bref rapport sur l'intérêt suscité par l'ouvrage, contacter les éditeurs et leur envoyer le brouillon. C'est parfois frustrant, mais il est possible de réussir.

Il est très important d'être en contact avec des collègues de la profession. La première chose que j'ai faite quand j'ai su que je voulais traduire de la littérature a été de devenir membre de l'ACEtt (https://ace.traductores.org/). C'était en 1990, au retour d'une conférence de traduction organisée à Tarazona. Participer à des activités liées à la littérature et à la traduction est fondamental. Enfin, l'essentiel est de ressentir de l'empatie, tant pour la traduction que pour l'enseignement.


 

Malika Embarek: "Si los escritores magrebíes francófonos siguen escribiendo en francés es debido a la diglosia"



Malika Embarek, Premio Nacional de Traducción (2017) y Premio Internacional de Traducción Gerardo de Cremona (2015 ha respondido las preguntas de Madrigalia en el marco de las conferencias profesionales del Máster en Lengua Francesa Aplicada (Universidad Complutense de Madrid-Sorbonne Université).

¿Qué le inspira para seguir trabajando en un gremio tan complicado como la traducción después de tantos años? 

Como todo el mundo sabe, es un privilegio trabajar en lo que te gusta. Con ello quiero decir que amo la lectura, la literatura. Me gusta traducir a los autores de la orilla sur del Mediterráneo, me gusta que se conozcan y que los lectores disfruten como yo he disfrutado traduciéndolos. No creo que me canse algún día de ejercer esta profesión.

¿Qué es lo que le aporta la traducción literaria que no lo hacen la traducción jurada o la traducción técnica?

Creo que esta pregunta lleva la respuesta implícita en la anterior. Desde pequeñita adoraba leer. Mi tío materno me llamaba doña Emilia Pardo Bazán... No sé si es una leyenda, como tantas que se crean en las familias, pero me decían que había aprendido a leer sola. Me imagino que algo sí me enseñarían… Mi niñez y adolescencia están repletas de lecturas. La serie sobre las aventuras de Celia, de Elena Fortún, Mujercitas, Hombrecitos, La isla del tesoro, Las mil y una noches en edición infantil, David Copperfield, Oliver Twist, Veinte mil leguas de viaje submarino… Solo para empezar. Para traducir hay que ser un gran lector. Si disfrutas de la lectura y la literatura, la traducción literaria es como el eco de estas.

La verdad es que pongo también empeño en que me queden bien las traducciones técnicas y juradas, por respeto a los clientes. Lo principal es que cumplan su objetivo: demostrar dónde nació alguien, si está soltero, cómo se reparte una herencia, qué calificaciones obtuvo en la carrera; o las referencias técnicas de un proyecto, los CV de los expertos, etc. Pero no implican retos. No necesitas jugar con el estilo, encontrar sinónimos para evitar cacofonías o rimas involuntarias, repeticiones. Tampoco necesitas leer el texto en voz alta para ver cómo suena… o emocionar a los lectores de tu traducción como se emocionaron los lectores del original. 

¿Cómo selecciona las obras o los autores/autoras con las que quiere trabajar?

La mayoría de las veces, son las editoriales las que me proponen las obras. Cuando he hecho yo alguna propuesta es porque me ha gustado el libro y he pensado que a los lectores también les podría gustar. No siempre la respuesta es positiva, pero no hay que desanimarse, hay que seguir proponiendo.

De las 70 obras que ha traducido, ¿cuál es la que más retos le ha planteado? ¿Por qué ?

Para mí las dificultades radican en lograr el ritmo, pues el léxico y la sintaxis siempre tienen solución. Creo que la obra más difícil y, a su vez, la que me resultó más gratificante fue precisamente la que tratamos en el taller del 13 de marzo pasado, en el marco del Máster Hispanofrancés en lengua francesa aplicada, organizado por la Universidad Complutense, al que tú asististe: Mil años, un día, de Edmond Amran El Maleh (1917-2010).

Como pudimos ver en el taller, El Maleh, tiene un estilo muy peculiar. Su relato tiende a reproducir la oralidad, insertando palabras, incluso frases enteras transcritas del dariya, el árabe marroquí. Por supuesto, facilita el contexto para que el lector en francés no se desoriente. Una de sus características principales es la puntuación no normativa. Me resultó difícil reproducir esa “no puntuación” para que el texto fuera inteligible. Me extenderé en la respuesta siguiente.

Durante el taller, usted explicó que no pudo aplicar su estrategia de traducción mientras traducía la novela Mil años, un día de Edmond Amran El Maleh. ¿En qué consiste exactamente? 

Me sirves esa pregunta en bandeja porque me encanta hablar de esa estrategia; incluso a veces intuyo que resulto pesada…

Como dije en el taller, si los escritores magrebíes francófonos siguen escribiendo en francés, a pesar de la independencia de sus países del colonialismo francés, es debido a la diglosia. En esos países conviven una lengua de prestigio, el árabe clásico, que no tiene registro hablado, con las lenguas maternas derivadas del árabe, que no tienen registro escrito. Al no existir una voluntad por parte del Estado de normalizar, estandarizar, enseñar en las escuelas dichas lenguas vernáculas, en principio para no atentar contra la sacralidad del Corán, escrito en la lengua árabe clásica, ni contra la unidad del mundo árabe, la lengua materna, la dariya, no se escribe. Por ello, algunos autores prefieren recurrir al francés.

A la hora de traducir esos textos, se puede, a veces, sustituir los referentes de la cultura árabe e islámica del autor magrebí francófono por arabismos. El traductor al español, a diferencia del autor francófono, puede recurrir al tesoro de arabismos con los que cuenta la lengua española, heredados de la larga convivencia hispanoárabe en Al-Ándalus: youyou/albórbolas; fiancée/alaroza, etc. Es una forma de brindar hospitalidad al autor en el texto traducido, para que se sienta “como en casa”, y para que suene su lengua materna con legitimidad en la traducción. Es una estrategia algo rebuscada, pues, con frecuencia, se trata de activar arcaísmos, y, también, es una especie de juego, de guiño, ya que en la traducción de una novela puede que se inserten cuatro o cinco arabismos.

Si dije que en los textos de El Maleh no pude aplicar esta estrategia es precisamente porque él lo que pretende con la transliteración de las palabras, incluso frases enteras, en dariya, es ocupar la lengua francesa del mismo modo que el colonialismo ocupó Marruecos. Hacer que la voz del autor suene familiar, o sea, que se sienta “como en casa”, en medio de la lengua francesa, desactivaba la estrategia del autor.  Con un criterio totalmente arbitrario, guiada por la belleza de las palabras, las únicas excepciones que hice con El Maleh fue con skhina, adafina, y youyou, albórbola, ambas provenientes del árabe-hispano. ,Moraleja: es imposible mantenerse coherente en traducción…

Además de traductora, también imparte clases y talleres de traducción ¿qué es lo que le llama la atención de la enseñanza?

Con las charlas y talleres sobre traducción aprendo muchísimo, que es de lo que se trata: enseñar, compartir y aprender. La preparación de dichas charlas y talleres me permite reflexionar sobre mi trabajo, y el feed-back que obtengo de los estudiantes, además de una lección de humildad, es sumamente enriquecedor.

¿Qué consejos le daría a alguien que está empezando en el mundo de la traducción?

Como dije al principio: hay que leer buena literatura en francés y en español. Y tener a mano un lápiz para subrayar las palabras, las expresiones que vas descubriendo por no tenerlas naturalmente integradas.

Conseguir una editorial que acepte publicar tu primera traducción es muy difícil, pero no hay que perder la esperanza y la ilusión. Hay que investigar por internet, ver qué libros no están traducidos y que te gusten, traducir unas cuantas páginas, hacer un breve informe sobre el interés que presenta la obra, contactar con esas editoriales y mandarles esa muestra. A veces es frustrante, pero otras puede que tengas éxito.

Es muy importante estar conectada con colegas de la profesión. Yo lo primero que hice cuando supe que quería traducir literatura fue hacerme socia de ACEtt (https://ace-traductores.org/). Fue en los años noventa al regresar de unas jornadas sobre traducción que se organizaban en Tarazona. Asistir a actividades relacionadas con la literatura y la traducción es fundamental.

Y lo esencial, como conclusión: sentir empatía, tanto para traducir como para enseñar.


Noemí Martínez Rubio

Estudiante del Máster Hispanofrancés en Lengua Francesa Aplicada

UCM - Sorbonne Université

 

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