La Francophonie en partage : entretien avec Lourdes Carriedo
- Madrigalia
- 16 abr
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À l’occasion du Mois de la Francophonie, Madrigalia s’est entretenue avec Lourdes Carriedo, professeure de l'Université Complutense de Madrid et spécialiste reconnue des littératures francophones, pour réfléchir aux enjeux culturels, historiques et pédagogiques liés à la francophonie aujourd'hui. Dans cet échange approfondi, elle revient sur la diversité des espaces francophones, l’importance des littératures africaines et maghrébines, ainsi que le rôle central que peuvent jouer les enseignants de FLE dans la transmission de cette richesse linguistique et culturelle.

Pour les personnes qui ne sont pas familiarisées avec le concept de Francophonie et la réalité qu’il recouvre, pourriez-vous nous expliquer ce qu'est exactement la francophonie et quelle est son importance dans le contexte mondial actuel ?
Le concept de « francophonie » paraît assez simple: « c’est l’ensemble des personnes qui parlent la langue française ». Cela correspond à l’étymologie du mot, bien évidemment, et le met en rapport aux autres –phonies, telles que l’anglophonie ou l’hispanophonie. Mais cette apparente cohérence sémantique n’est qu’un mirage; on ne tarde pas à se rendre compte que la question est complexe, d’autant plus que nous trouvons plus de 320 millions de francophones dispersés sur les cinq continents !
Songeons, par exemple, à des francophones de diverses provenances géographiques : à un sénégalais, à un marocain, à un belge, à un québécois ou à un guadeloupéen... C’est évident que leur situation linguistique y varie énormément, de même que leurs conditions socioéconomiques, culturelles ou idéologiques. Naturellement, c’est la langue qui les unit au premier abord, comme ce « merveilleux outil » d’entente dont parlait Léopold Sédar Senghor, président de la première république indépendante du Sénégal et, surtout, grand poète. Ses conférences et ses écrits démontrent cependant qu’il ne s’agit pas exclusivement d’une question de langue et de culture, mais aussi de politique et d’Histoire (avec grand H). On ne peut pas oublier le poids d’un héritage colonial qui marque toujours les « francophonies (post)coloniales » en Afrique ou aux Antilles, et qui les distingue des francophonies « ataviques » (en termes d’Edouard Glissant), identifiées au développement de la langue française en Europe. Il y a, bien entendu, des traces de l’Histoire, qui marquent la situation actuelle de différents pays francophones car, suite à leur histoire particulière, ils résistent à participer à la Francophonie institutionnelle. Tel est le cas de l’Algérie, par exemple, dont l’indépendance de la France provoqua une terrible déchirure, comme on sait. La preuve en est que ce pays de presque 15 millions de locuteurs francophones n’est toujours pas membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F.) qui est, de nos jours, l’organisme garant de la Francophonie politique et institutionnelle. L’O.I.F. aspire à renforcer les liens de coopération multilatérale de ses nombreux états membres (plus de 90) tout en promouvant la langue française et l’interculturalité.
Comment pensez-vous que le mois de la Francophonie peut mettre en valeur la diversité littéraire et culturelle des pays francophones ?
La célébration du mois de la Francophonie est une initiative magnifique pour que le public en général, et non seulement les étudiants de langue française, prennent conscience de la richesse littéraire provenant des territoires francophones non métropolitains. En effet, l’intention est que cela devienne un espace ouvert d’échanges culturels, idéologiques, artistiques, littéraires, de sorte à récupérer l’idée de cette République mondiale des lettres dont parlait Pascale Casanova en 1999. Elle y démontrait que Paris avait cessé d’être le centre de l’univers littéraire et artistique, qu’il n’y avait plus un seul centre de création mais plusieurs, aussi bien du côté francophone que du côté anglophone. Comme on sait, cela faisait longtemps que les prix littéraires anglophones ne faisaient pas la distinction entre « écrivains métropolitains » et « écrivains périphériques ». Il s’agissait de faire de même tout en célébrant la diversité de la langue française sans tenir compte de la provenance des écrivains et artistes. Ils appartiennent simplement à un espace mondial « babélisé ».
Comment les professeurs de FLE et leurs étudiants peuvent-ils participer activement aux activités proposées pendant le mois de la francophonie ?
Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses activités sont organisées par les IES (centres d’enseignement secondaire), les universités, les institutions officielles françaises en Espagne, pour célébrer une fête qui prétend stimuler les échanges culturels et artistiques dans une des langues les plus parlées au monde. En effet, des activités diverses sont proposées par de nombreuses institutions, dont des projections de films, des concours littéraires et artistiques, des séminaires internationaux, etc. Le concours « Dis-moi dix mots pour la planète », organisé par le Ministère Français de la Culture a eu, en 2025, un grand succès auprès des étudiants du secondaire. À ne pas oublier, non plus, l’intérêt pour les étudiants universitaires espagnols de participer au choix du prix Goncourt de l’Espagne.

À votre avis, quelle est l'importance des littératures francophones africaines et maghrébines dans l'apprentissage du français langue étrangère ?
De nos jours, on écoute très souvent dire que « L’avenir du Français se joue en Afrique ». Les chiffres sont de bons indicateurs : plus du 60% les locuteurs de langue française se situe en Afrique. Il n’est donc pas étrange que la politique extérieure de la France prétende maintenir ce statut privilégié du français dans divers pays africains où elle est première langue ou langue officielle.
Mais il y a une autre question dont il faudrait tenir compte : le grand nombre d’écrivains qui choisissent la migration ou l’exil pour des raisons diverses et finissent par s’installer en France. Ils circulent d’une culture à l’autre, celle d’origine et celle d’adoption, tout en reconnaissant ses appartenances multiples. Ils se situent dans un entre-deux parfois délicat qui se reflète aussi dans leurs ouvrages et leur écriture. Je pense à la transformation du français académique par des auteurs qui deviennent des « francoscribes » (tel le mauritanien Mbarek Ould Beyrouk, par exemple) sans oublier leurs langues maternelles respectives. Ils réussissent à y greffer harmonieusement des emprunts ou à y introduire des néologismes dont le résultat est une langue « hybride », ou « métisse ». Quand on lit ou on déclame un poème de L.S. Senghor, par exemple, de diverses langues vernaculaires sénégalaises, dont le wolof, le sérère ou le poular bruissent sous le flux cadencé de ses versets. Ceux-ci ont un énorme pouvoir de fascination chez le lecteur occidental, qui n’est habitué ni aux sonorités mystérieuses des termes étrangers, ni à leur profondeur symbolique, ni aux rythmes envoûtants sous lesquels résonne le tam tam, instrument métonymique du continent africain. Quand on lit un texte de Tahar Ben Jelloun, par exemple, on est bientôt saisi par la prégnance orale d’un texte imbu de citations, plus ou moins dissimulées, du Coran ou des contes orientaux. Tahar Ben Jelloun reçoit le prix Goncourt en 1987 pour La nuit sacrée, un roman magnifique qui suit L’Enfant de sable constituant une sorte de diptyque à énorme succès international. Il est devenu depuis l’un des auteurs maghrébins les plus reconnus et a ouvert la longue série de prix Goncourt attribués à des auteurs francophones non métropolitains jusqu’à nos jours. Pensons aux lauréats des dernières années tels que Leïla Slimani, Mohamed Mbougar Sarr ou Kamel Daoud. Sans oublier les prix Renaudot décernés à des auteurs désormais consacrés comme Ahmadou Kourouma, Tierno Monénembo ou Alain Mabanckou. Ils démontrent tous la vitalité de la langue française qui, sans doute, évolue et s’enrichit de ses contacts intimes avec d’autres langues tout en conservant leur musique enfouie.
Pas besoin de dire que le travail sur des textes africains francophones en classe de FLE, que ce soit du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne, ou d’ailleurs, permet sans doute de découvrir d’autres civilisations et d’ouvrir la pensée et la sensibilité des apprenants à une meilleure compréhension et tolérance de l’autre. Et ce, en ce qui concerne les différences raciales, religieuses, socioéconomiques, idéologiques ou autres.
Enfin, quel message souhaitez-vous adresser à la communauté des professeurs de FLE concernant la pertinence de la francophonie dans le contexte éducatif et culturel actuel ?
Je pense que les professeurs de FLE sont déjà très conscients de l’importance d’enseigner une langue géographiquement si répandue, qui coexiste avec d’autres langues nationales et s’imprègne de leurs particularités. Une langue toujours en évolution, donc. Par ailleurs, de nombreuses méthodes d’apprentissage du français introduisent des textes et des vidéos sur des questions lexicales, grammaticales et culturelles propres aux pays francophones de tous les continents, ce qui constitue une indéniable source non seulement d’enrichissement personnel et d’élargissement de débouchés professionnels, mais aussi de tolérance et de convivialité futures. Il ne reste qu’à espérer qu’une politique sérieuse d’apprentissage du français deuxième langue (FL2) soit menée à bout par les organismes officiels d’enseignement et par l’institution ministérielle espagnole, et ce, depuis l’école primaire jusqu’à l’université. Pas besoin de dire que l’actuel marché du travail demande des citoyens plurilingues et prêts à relever les défis d’un monde de plus en plus global et, aussi, de plus en plus compliqué.
Edward Tobón
Étudiant du Master Hispano-Français de Langue Française Appliquée
UCM - Sorbonne-Université
La Francofonía como herencia compartida: Entrevista con Lourdes Carriedo
Con motivo del Mes de la Francofonía, Madrigalia entrevistó a Lourdes Carriedo, catedrática de la Universidad Complutense de Madrid, y reconocida especialista en literaturas francófonas, para reflexionar sobre los desafíos culturales, históricos y pedagógicos que plantea la francofonía actualmente. En este diálogo extenso, aborda la diversidad de los espacios francófonos, la importancia de las literaturas africanas y magrebíes, así como el papel central que pueden desempeñar los docentes de FLE en la transmisión de esta riqueza lingüística y cultural.

Para aquellos que no están familiarizados con el concepto “Francofonía” y la realidad que representa, ¿podría explicarnos qué es exactamente la Francofonía y cuál es su importancia en el contexto global actual?
El concepto de “francofonía” parece bastante simple: “es el conjunto de personas que hablan la lengua francesa”. Esto corresponde, por supuesto, a la etimología de la palabra y la relaciona con otras “-fonías”, como la anglofonía o la hispanofonía. Pero esta aparente coherencia semántica no es más que un espejismo; rápidamente nos damos cuenta de que la cuestión es compleja, sobre todo si consideramos que hay más de 320 millones de francófonos dispersos en los cinco continentes. Pensemos, por ejemplo, en francófonos de diversas procedencias geográficas: un senegalés, un marroquí, un belga, un quebequense o un guadalupeño… Es evidente que su situación lingüística varía enormemente, al igual que sus condiciones socioeconómicas, culturales o ideológicas.
Naturalmente, es la lengua lo que los une en primera instancia, como ese «maravilloso instrumento» de entendimiento del que hablaba Léopold Sédar Senghor, presidente de la primera república independiente de Senegal y, sobre todo, gran poeta. Sin embargo, sus conferencias y escritos demuestran que no se trata exclusivamente de una cuestión de lengua y cultura, sino también de política e Historia (con mayúscula). No podemos olvidar el peso de una herencia colonial que aún marca las «francofonías (post)coloniales» en África o el Caribe, y que las distingue de las francofonías «atavistas» (en términos de Édouard Glissant), identificadas con el desarrollo del francés en Europa. Por supuesto, hay huellas de la Historia que marcan la situación actual de diferentes países francófonos, ya que, debido a sus historias particulares, se resisten a participar en la Francofonía institucional. Tal es el caso de Argelia, por ejemplo, cuya independencia de Francia provocó una ruptura dolorosa, como bien se sabe. La prueba está en que este país, con casi 15 millones de hablantes de francés, todavía no es miembro de la Organización Internacional de la Francofonía (OIF), que hoy en día es el organismo garante de la Francofonía política e institucional. Actualmente, la OIF aspira a reforzar los vínculos de cooperación multilateral entre sus numerosos Estados miembros (más de 90), al tiempo que promueve la lengua francesa y la interculturalidad.
¿Cómo considera que esta celebración puede poner en valor la diversidad literaria de los países francófonos?
La celebración del Mes de la Francofonía es una magnífica iniciativa para que el público en general, y no solo los estudiantes de lengua francesa, tome conciencia de la riqueza literaria proveniente de territorios francófonos no metropolitanos. En efecto, la intención es que se convierta en un espacio abierto de intercambios culturales, ideológicos, artísticos, literarios, recuperando así la idea de esa «República mundial de las letras» de la que hablaba Pascale Casanova en 1999. Ella demostraba que París había dejado de ser el centro del universo literario y artístico, que ya no existía un solo centro de creación, sino varios, tanto en el ámbito francófono como en el anglófono. Como se sabe, hace tiempo que los premios literarios en inglés dejaron de distinguir entre «escritores metropolitanos» y «escritores periféricos». Se trataba de hacer lo mismo en francés, celebrando la diversidad de la lengua francesa sin tener en cuenta el origen de los escritores y artistas. Ellos pertenecen, simplemente, a un espacio».
¿Cómo pueden los profesores de FLE y sus estudiantes participar activamente en las actividades propuestas durante el mes de la francofonía?
Desde hace unos veinte años, numerosas actividades son organizadas por los IES (institutos de enseñanza secundaria), universidades e instituciones oficiales francesas en España para celebrar una festividad que pretende estimular los intercambios culturales y artísticos en una de las lenguas más habladas del mundo. En efecto, se proponen diversas actividades desde muchas instituciones: proyecciones de películas, concursos literarios y artísticos, seminarios internacionales, etc. El concurso «Dime diez palabras por el planeta», organizado por el Ministerio francés de Cultura, tuvo un gran éxito en 2025 entre los estudiantes de secundaria. También hay que destacar el interés que supone para los universitarios españoles participar en la elección del premio Goncourt de España.

En su opinión, ¿qué importancia tienen las literaturas francófonas africanas y magrebíes en el aprendizaje del francés como lengua extranjera?
Hoy en día se oye decir con frecuencia que “el futuro del francés se juega en África”. Las cifras lo demuestran: más del 60% de los hablantes de francés se encuentra en África. Por tanto, no es de extrañar que la política exterior de Francia busque mantener el estatus privilegiado del francés en varios países africanos donde es primera lengua o lengua oficial.
Pero hay otra cuestión a tener en cuenta: el gran número de escritores que eligen la migración o el exilio por diversas razones y acaban instalándose en Francia. Circulan entre dos culturas, la de origen y la de adopción, reconociendo así sus múltiples pertenencias. Se sitúan en un «entre-dos» a veces delicado que también se refleja en sus obras y en su escritura. Pienso en la transformación del francés académico por parte de autores que se convierten en «francoscribas» (como el mauritano Mbarek Ould Beyrouk, por ejemplo), sin olvidar sus respectivas lenguas maternas. Logran injertar con armonía préstamos o introducir neologismos cuyo resultado es una lengua «híbrida» o «mestiza». Cuando se lee o se recita un poema de L.S. Senghor, por ejemplo, resuenan bajo el flujo cadencioso de sus versos diversas lenguas vernáculas senegalesas, como el wolof, el sérère o el pular. Estos versos ejercen una enorme fascinación en el lector occidental, poco acostumbrado a las sonoridades misteriosas de los términos extranjeros, a su profundidad simbólica, o a los ritmos hipnóticos bajo los cuales resuena el tam tam, instrumento metonímico del continente africano. Cuando se lee un texto de Tahar Ben Jelloun, por ejemplo, se percibe rápidamente la presencia oral de un texto impregnado de citas, más o menos veladas, del Corán o de cuentos orientales. Tahar Ben Jelloun recibió el premio Goncourt en 1987 por La nuit sacrée, una magnífica novela que continúa a L’Enfant de sable, conformando una especie de díptico de enorme éxito internacional. Desde entonces se ha convertido en uno de los autores magrebíes más reconocidos y ha abierto una larga serie de premios Goncourt otorgados a autores francófonos no metropolitanos hasta hoy. Pensemos en los galardonados de los últimos años, como Leïla Slimani, Mohamed Mbougar Sarr o Kamel Daoud. Sin olvidar los premios Renaudot concedidos a autores ya consagrados como Ahmadou Kourouma, Tierno Monénembo o Alain Mabanckou. Todos ellos demuestran la vitalidad de la lengua francesa, que sin duda evoluciona y se enriquece por su contacto íntimo con otras lenguas, conservando al mismo tiempo su música latente. No cabe duda de que el trabajo con textos africanos francófonos en clase de FLE, ya sean del Magreb, de África subsahariana o de otros lugares, permite descubrir otras civilizaciones y abrir la mente y la sensibilidad de los alumnos a una mejor comprensión y tolerancia del otro, en lo que respecta a las diferencias raciales, religiosas, socioeconómicas, ideológicas u otras.
Finalmente, ¿qué mensaje le gustaría enviar a los profesores de FLE sobre la relevancia de la francofonía en el ámbito educativo y cultural en la actualidad?
Creo que los profesores de FLE ya son muy conscientes de la importancia de enseñar una lengua tan extendida geográficamente, que coexiste con otras lenguas nacionales y se impregna de sus particularidades. Una lengua, por tanto, en constante evolución. Además, muchos métodos de aprendizaje del francés introducen textos y vídeos sobre cuestiones léxicas, gramaticales y culturales propias de países francófonos de todos los continentes, lo que constituye una fuente indudable no solo de enriquecimiento personal y ampliación de oportunidades profesionales, sino también de tolerancia y convivencia futura. Solo queda esperar que una política seria de enseñanza del francés como segunda lengua (FL2) sea implementada por los organismos oficiales de educación y por la institución ministerial española, desde la escuela primaria hasta la universidad. No hace falta decir que el actual mercado laboral exige ciudadanos plurilingües y dispuestos a afrontar los desafíos de un mundo cada vez más global y, también, más complejo.
Edward Tobón
Estudiante del Máster Hispanofrancés en Lengua Francesa Aplicada
UCM - Sorbonne-Université